Donner aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans le droit de vote aux élections locales
Programme de François Hollande, p. 33.
Cette promesse n'est pas nouvelle à gauche : elle faisait déjà partie du programme de François Mitterrand en 1981, mais le président socialiste y avait finalement renoncé, car le Sénat de droite aurait bloqué le texte. En 2000, le premier ministre, Lionel Jospin renonce pour les mêmes raisons à transférer au Sénat un texte qui avait été adopté par l'Assemblée nationale.
Lors du débat de l'entre-deux tours contre Nicolas Sarkozy, le 2 mai 2012, François Hollande a précisé qu'il tenterait d'abord de faire voter la réforme constitutionnelle au Congrès, mais que si la majorité des 3/5e nécessaire à son adoption faisait défaut, "ce sera au peuple français et seulement au peuple français de pouvoir en décider" – c'est à dire qu'il convoquerait un référendum.
Promesse non tenue de François Hollande
C'est un casse-tête pour le président : pour être adoptée, cette réforme constitutionnelle doit être approuvée soit par référendum, soit à la majorité des trois cinquièmes du Parlement (Assemblée + Sénat) réuni en Congrès. La piste du référendum semble avoir été rapidement été écartée, car François Hollande essuierait probablement un refus. Par ailleurs, une majorité de trois cinquièmes au Parlement semble difficile à atteindre : il faudrait qu'aux voix de la gauche se joignent certaines de l'UDI ou du parti Les Républicains.
Une promesse sans cesse repoussée
Le 17 septembre 2012, Manuel Valls affirme dans le Monde que le droit de vote des étrangers n'est pas une revendication forte de la société, jetant un doute sur l'application de la mesure. Dans la soirée, un communiqué de la présidence de la République indique que la promesse "sera tenue".
Le lendemain, Cécile Duflot confirme l'information et précise le délai de mise en place : l'"année prochaine", en 2013. Alain Vidalies précise qu'elle sera en place pour les élections locales de 2014.
Le samedi 20 octobre 2012, Libération fait sa "une" sur le sujet en annonçant "le recul" sur cette mesure. Le journal explique que la loi devrait être repoussée après les municipales 2014, en s'appuyant sur un fidèle de François Hollande sans le nommer. Une opinion reprise le 22 octobre par la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem, qui juge "compliquée" une application dès 2014, avant de rétropédaler le lendemain - « le gouvernement est très attaché à ce dossier ».
Le 13 novembre 2012, à l'occasion de sa première conférence de presse semestrielle, François Hollande indique qu'il ne se servira pas du référendum pour appliquer la mesure, conditionnant de facto son application à une "recherche de la majorité" des 3/5e au Parlement.
La mesure est finalement écartée de la réforme constitutionnelle de l'été 2013, présentée le 13 mars 2013, faute de majorité des 3/5e. Jean-Marc Ayrault avait pourtant annoncé le 29 janvier la tenue de consultations avec « tous les groupes parlementaires » au sujet des réformes constitutionnelles, dont le droit de vote des étrangers fait partie. Le droit de vote des étrangers pourrait donc être abandonné, d'autant qu'Alain Vidaliès avait indiqué que le gouvernement ne comptait faire « qu'une réforme constitutionnelle ».
Le 16 mai 2013, lors de sa conférence de presse semestrielle, François Hollande a annoncé que le texte serait soumis au Parlement au lendemain des élections municipales de 2014, et qu'il l'adopterait "s'il le souhaite", puisqu'il n'y aura "plus d'enjeu". Le président semblait donc écarter l'idée de procéder à la révision constitutionnelle par référendum, malgré les risques de ne pas obtenir la majorité des 3/5e au Parlement.
Finalement après l'avoir mis en sommeil pendant près d'un an, François Hollande a de nouveau fait référence à la mesure le 16 avril 2014, à l'occasion des 70 ans du droit de vote des femmes : "Il nous appartient de construire un rassemblement qui forcément dépasse les clivages partisans, c'est la condition pour rendre possible cette nouvelle étape." Ce rassemblement, c'est celui indispensable pour "changer la Constitution" comme l'a expliqué le président.
Dans son interview du 6 mai 2014, le président réaffirme son attention de faire voter un texte sur le droit de vote des étrangers, et ce après les européennes. "Je n'ai pas voulu introduire ce texte avant les élections municipales, parce qu'on nous en aurait fait le reproche. Ce texte sera de nouveau proposé après les scrutins pour que dans la préparation [des élections municipales] qui viendront dans six ans, il puisse y avoir cette réforme".
Fin mai 2014, le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve a à nouveau enterré la promesse, estimant qu'il ne valait pas la peine de tenter de rassembler une majorité, "de poser des questions dont on sait qu'on n'a pas les moyens de les résoudre".
"... à ce que des majorités se constituent". Le 14 juillet 2014, lors de son allocution télévisée, François Hollande promet de remettre la question du droit de vote des étrangers sur la table en 2016, année des "réformes de société et institutionnelles". De fait, il repousse une nouvelle fois la promesse de deux ans. Sans être sûr de pouvoir la faire adopter. Alors même que son ex-ministre de l'intérieur Manuel Valls, devenu Premier ministre, n'est pas très favorable à la mesure.
Manuel Valls a écarté l'idée d'un référendum, le 27 octobre 2015 : "je vous donne le résultat, c'est-à-dire massivement contre, et en plus nous allons exacerber les tensions autour de cette question". Il estime que cela ferait progresser le Front National. Le Premier ministre, qui se dit "toujours favorable" à cette réforme, a par ailleurs rappelé qu'il n'y a pas "de majorité qualifiée au Congrès".
Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve déclare le 11 novembre 2015 qu'il n'y a "aucune chance" à court terme de la mise en place du droit de vote des étrangers aux élections locales. "On ne peut faire aboutir cette mesure que dans deux cadres: soit avec une majorité qualifiée des trois cinquième du congrès, soit par référendum" avance le ministre dans les colonnes de Libération. Qui de poursuivre: "Dans les deux cas, on irait à l'échec".
Le 9 février 2016 à l'occasion du vote à l'Assemblée sur la déchéance de nationalité, Manuel Valls s'oppose aux amendements qui inscriraient le droit de vote des étrangers dans la Constitution. "Je ne crois pas qu'aujourd'hui cet élément soit une priorité ou une attente".
Rejetée par la grande porte par l'exécutif, les sénateurs PS ont tenté de revenir par la fenêtre. Plusieurs élus de la Chambre haute souhaitaient que le droit de vote des étrangers aux élections locales soit introduit dans la réforme constitutionnelle, profitant du débat sur la déchéance de nationalité et l'état d'urgence. Quatre sénateurs du Parti socialiste ont déposé un amendement dans ce sens. Ils souhaitent ainsi "honorer une promesse de trente ans".
A l'Assemblée nationale, Benoit Hamon, Aurélie Filipetti et trente trois autres députés de gauche ont déposé un amendement en ce sens.
Le 30 mars, François Hollande a abandonné l'idée d'une réforme constitutionnelle, enterrant du même coup les amendements relatifs au droit de vote des étrangers.
Eternelle promesse de la gauche qui semble ne devoir jamais être tenue, la proposition a été réitérée dans un rapport du PS sur les institutions, remis à Jean-Christophe Cambadélis le 24 mai dernier.
Type de promesse : Projet présidentiel
Thèmes : Institutions, vie politique et moralisationSociété, discriminations, famille, laïcité et immigration
Mots-clés : VallsAlain VidaliesétrangersVoteDémocratiePeupleélectionsélections municipalesCitoyennetéréforme constitutionnelle