Mettre en place un parquet financier avec une compétence nationale et créer un office central de lutte contre la fraude et la corruption

Promesse tenue

Promesse tenue de François Hollande

La présentation de la loi

Le 24 avril, le gouvernement a annoncé l'extension du champ de compétence de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale au blanchiment de fraude fiscale, laquelle agira au sein du futur Office central de lutte contre la corruption et la fraude fiscale, dont la création a été officialisée.

La loi a été présentée en Conseil des ministres le 7 mai. A la sortie du Conseil des ministres, Christiane Taubira a indiqué que le parquet offrira "une spécialisation avec une plus forte lisibilité et des moyens dédiés"Dans le compte-rendu, on peut lire que "pour assurer le fonctionnement de ce parquet et de l'ensemble de la chaîne pénale (...) les moyens seront considérablement renforcés, avec la création à terme d'une cinquantaine de postes de magistrats (notamment 22 magistrats du parquet et 10 juges d'instruction) et d'assistants spécialisés". Il sera accompagné d'une "refonte et d'une simplification de l'architecture du traitement de la délinquance économique et financière".

Le vote au Parlement

Le texte a  été définitivement adopté le 5 novembre par l'Assemblée. Cette adoption tardive s'explique selon l'Express par un désaccord entre députés et sénateurs notamment sur la création du procureur financier. 

Le principe du procureur financier a été vivement critiqué par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) le 1er août, puis par l'Union syndicale des magistrats après son adoption (notamment car il concentre trop de pouvoirs en une seule paire de mains, parce qu'il pourrait affaiblir le procureur de Paris et que ses compétences ne sont pas précisément fixées par la loi).

Par ailleurs, la création de l'office central de lutte contre la fraude et la corruption a été actée par un décret du 27 octobre.

Quelles missions de l'Office Central de lutte contre la corruption ?

L'Office Central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) est mis en place par un décret en date du 25 octobre 2013. Il est né de la fusion de la Brigade nationale de la répression de la délinquance fiscale et de la Brigade de lutte contre la corruption et la criminalité financière.

Ses  principales missions : 

  • Recueil et centralisation des informations à l'échelle nationale, afin de coordoner la répression des infractions financières
  • Conduite des enquêtes, à la demande des autorités judiciaires ou de sa propre initiative
  • Assistance à d'autres services d'enquête

Près d'une centaine de policiers, de gendarmes et d'agents de la Direction Générale des finances publiques ont été affectées à cet Office.

Cet Office étant crée dans la perspective de coordonner les actions contre la corruption et la fraude fiscal à travers tout le territoire, il est "l'interlocuteur naturel" du Parquet financier, a expliqué Eliane Houlette au Monde. 

Le champ d'action est vaste : l'Office de lutte contre la corruption est compétent pour les infractions relevant du droit pénal des affaires (abus de biens sociaux, escroquerie...), pour les infractions de fraude fiscale, pour les atteintes à la probité, mais aussi pour les infractions relevant du code électoral. 

La mise en place du Parquet

La mise en place du procureur financier se fait dans la difficulté. Mediapart a révélé (lien abonnés) le 12 décembre que le ministère de la Justice a du prolonger l'appel à candidatures auprès des magistrats. Le pure player Médiapart avait dévoilé en avance le nom du candidat, Catherine Pignon, ancrée à droite.  

Christiane Taubira l'a finalement écartée, pour nommer le 14 janvier Eliane Houlette, 61 ans, avocate générale à Paris chargée des affaires civiles, des mineurs et de la famille, et ancienne substitut à la section financière et commerciale de Paris de 1993 à 2001.

Quelles compétences pour le PNF?

Le parquet financier est entré en fonction le samedi 1er février 2014.

Il est composé de 16 magistrats spécialisés. Il existait, au au mois de mai dernier, plus de 353 procédures ouvertes

Une circulaire, publiée le 31 janvier 2014 vient expliciter les différentes compétences attribuées au Parquet.

  • Le PNF dispose d'une compétence exclusive concernant les délits boursiers (qui renvoient aux délits d'initiés, aux délits de manipulation des cours...), ce qui fait du PNF l'interlocuteur unique de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) pour les délits boursiers. 
  • Le PNF dispose d'une compétence concurrente avec les TGI de droit commun ou les huit juridictions inter-régionales spécialisées concernant les délits d'atteinte à la probité (corruption, trafic d'influence, détournement de fonds publics, prise illégale d'intérêts...) ainsi que pour les fraudes fiscales lourdes

Ce dernier point (compétences concurrentes) suscite des tensions de prérogatives entre les différentes instances. En effet, la  loi « laisse aux juridictions une grande souplesse dans leur appréciation de la saisine du procureur de la République financier ». Le Parquet doit ainsi être saisi par les parquets locaux lorsque l'affaire présente une "grande complexité". Une souplesse qui rend les critères de saisine flous.

Le reste des arbitrages s'annonce donc complexe, voire conflictuel, notamment avec le parquet de Paris, dont la section économique et financière traite et suit les grands dossiers politico-financiers du moment. 

 «Trop souvent, les signalements de l’unité anti-blanchiment Tracfin, déposés auprès des parquets territoriaux, ne nous remontent pas alors que ce devrait être systématique», a souligné comme le souligne Eliane Houlette à l'occasion d'un bilan dressé devant la Commission des Finances du Sénat.

Les dossiers suivis par le PNF

Les premières affaires médiatiques sont rapidement tombées sous la houlette du PNF. Quelques exemples : 

La liste des affaires prises en main par Eliane Houlette et les quinze autres magistrats est longue. Parmi les plus médiatiques, on trouve l'affaire Balkany,  Dassault, les héritiers de Nina Riccie ou encore la famille Mulliez (propriétaires de Auchamps).

Actif pendant la campagne présidentielle 2017

L'instance installée 5 rue des Italiens à Paris s'est aussi signalé pendant la campagne présidentielle. C'est en effet elle qui s'est saisie de l'affaire Fillon, ouvrant une enquête préliminaire à la suite des révélations du Canard Enchaîné sur des emplois de son épouse à l'Assemblée nationale et au sein de la Revue des deux mondes.

François Fillon a été mis en examen, mardi 14 mars, pour "détournement de fonds public", "complicité et recel de détournement de fonds publics", "complicité et recel d’abus de bien sociaux", et "manquements aux obligations de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique".

Le PNF avait aussi ouvert en mars 2017 une enquête visant l'éphémère ministre de l'Intérieur Bruno Le Roux, à la suite de révélations de l'émission de TMC Quotidien concernant l'emploi de ses deux filles comme collaboratrices parlementaires entre 2009 et 2016, alors qu'il était député de Seine-Saint-Denis.

Calendrier en retard

Le rejet du procureur financier par le Sénat a retardé l'adoption définitive des projets de loi sur la transparence de l'été à novembre 2013. Il a finalement été mis en place. 

Type de promesse : Annonce de mandat

Mots-clés : JusticeParquetaffaire Cahuzacévasion fiscalecorruption