Une loi reprenant les principales conclusions du rapport Sauvé, notamment une définition du conflit d’intérêts

Promesse partiellement tenue

Promesse partiellement tenue de François Hollande

Le rapport de la commission Jospin remis le 9 novembre 2012 préconisait la définition dans la loi d'une « définition claire de la notion de conflit d'intérêts », ainsi que plusieurs mesures pour le prévenir.

Le 13 mars 2013, le gouvernement a annoncé la préparation de plusieurs projets de loi censés mettre fin à "tous les conflits d'intérêts" (concernant aussi bien les fonctionnaires que les ministres et les parlementaires). Elles prévoient :

  • La définition de la notion de conflits d'intérêts
  • L'obligation pour les ministres, collaborateurs des cabinets ministériels et membres des autorités administratives indépendantes de publier une déclaration d'intérêts au moment de leur prise de fonction
  • La mise en place de mécanismes de déport ou d’abstention seront définis pour garantir l’impartialité des décisions prises au nom de la puissance publique.
  • L'obligation du recours au mandat de gestion sans droit de regard pour prévenir les conflits d’intérêts liés à la gestion d’un patrimoine financier personnel
  • L'extension du délit de prise illégale d’intérêt à l’issue des fonctions aux ministres – il sera assorti d’un mécanisme de contrôle des départs vers le secteur privé
  • La création d'une Haute Autorité de déontologie de la vie publique, qui reprendra les compétences actuelles de la Commission pour la transparence financière de la vie politique, et dont le président sera nommé après avis des commissions compétentes des deux assemblées
  • Le renforcement des règles déontologiques des fonctionnaires (amélioration du contrôle des départs vers le secteur privé, publication obligatoire d'une déclaration d'intérêts pour les principaux cadres dirigeants de l’Etat, des collectivités locales, des hôpitaux, ainsi que pour les magistrats de l’ordre judiciaire)

Les annonces consécutives à l'affaire Cahuzac

Le 3 avril, après les aveux de Jérôme Cahuzac sur son compte en Suisse, François Hollande promet une loi concernant les conflits d'intérêts et visant à la "publication et le contrôle de tous les patrimoines" des ministres et des parlementaires.

Le 10 avril, le président de la République fait une nouvelle série d'annonces, parmi lesquelles la création d'une Haute autorité "totalement indépendante" pour contrôler les déclarations de patrimoines et d'intéret des parlementaires, des ministres et hauts responsables publics, au début et à la fin de leurs mandats. Il propose également d'interdire le cumul d'une fonction parlementaire avec certaines professions.

Parallèlement, le gouvernement précise à l'issue du conseil des ministres que l'obligation de publication de patrimoine concernera également les membres du Conseil constitutionnel, les principaux responsables exécutifs locaux, les membres des autorités administratives indépendantes, les collaborateurs des cabinets ministériels et de l'Elysée, ainsi que les titulaires d’emplois à la décision du gouvernement nommés en conseil des ministres et responsables des principales entreprises publiques.

Il prévoit enfin de supprimer le droit à indemnité des anciens ministres.

Le projet de loi

Le projet de loi sur la transparence de la vie publique a été présenté le 24 avril en conseil des ministres. Il prévoit que 12 000 personnalités seront soumises à l'obligation de publier leur patrimoine, dans des conditions fixées par le Conseil d'Etat. Les déclarations mensongères seront passibles de 5 ans d'emprisonnement, 75 000 euros d'amende et 10 ans d'inégibilité.

 src=Les indemnités des anciens ministres ne seront pas supprimées. Le projet du gouvernement visait à la réduire de six à un mois, mais les députés s'y sont opposés. Les anciens ministres devraient toutefois en être privés en cas de manquements graves.

Promesse en douteLe 5 juin, les députés ont apporté une autre modification substantielle au projet du gouvernement : leur déclaration de patrimoine sera publique, mais pas publiée. Les citoyens pourront la consulter en préfecture, mais sa publication sera passible de sanctions. Ils ont aussi décidé que les déclarations d’intérêt et de patrimoine concerneraient les collaborateurs du président de l’Assemblée nationale et ceux du Sénat.

Le texte a été adopté le 25 juin en première lecture par l'Assemblée. En juillet, le Sénat vote le texte comme le raconte Le Monde, mais en l'amendant sur plusieurs points, notamment en enlevant l'article 1 concernant la publication des patrimoines au Journal Officiel (à noter que l'Assemblée prévoyait selement de rendre les patrimoines consultables, mais non publiables). Après une commission mixte paritaire, où les désaccords sont restés en place, le texte est revenu à l'Assemblée qui a réécrit le texte à sa convenance avec une nouveauté : la publication de la réserve parlementaire est rendue obligatoire. Le texte reviendra au Sénat en septembre et sera vraissemblablement adopté dans les conditions voulues par l'Assemblé.

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Le texte est définitivement adopté par le Parlement le 17 septembre. Les déclarations de patrimoine seront donc transmises à la HATVP, qui pourra demander aux intéressés des informations complémentaires, recevra le soutien des services fiscaux et disposera d'un pouvoir d'injonction. . Si la peine de prison a été retirée, une amende de 45 000 euros demeure pour les contrevenants à l'interdiction de publier les patrimoines.

Comme annoncé, le texte introduit dans son article 2 une définition du conflit d'intérêt.  Il prévoit en outre un mécanisme de déport (pas de prise de décision là où réside un conflit d'intérêt) pour les membres du gouvernement et élus, ainsi qu'une extension du délit de prise illégale d'intérêt aux ministres. La Haute autorité sera en outre chargée du "contrôle déontologique des départs vers le privé"

Le 2 décembre 2013, François Hollande a proposé l'ancien procureur de Paris Jean-Louis Nadal au poste de de président de la Haute autorité. Ancien conseiller de Robert Badinter au ministère de la Justice, l'ancien magistrat de 71 ans avait soutenu Martine Aubry pendant les primaires socialistes. D'après Libération, la nomination pourrait intervenir le 23 décembre prochain.

En revanche, l'amélioration du contrôle des départs vers le secteur privé pour les fonctionnaires a été reportée à la loi sur la fonction publique. Quant à l'obligation du recours au mandat de gestion sans droit de regard, elle n'a jamais été abordée.

Indemnités des anciens ministres : les ministres continueront finalement à toucher l'indemnité pendant trois mois, sauf s'ils ont failli à leurs obligations de transparence devant la Haute autorité.

Un décret a été publié le 17 janvier au Journal officiel sur la prévention des conflits d'intérêts chez les ministres. Désormais, si un membre du gouvernement est sujet à un conflit d’intérêts sur un dossier précis, il sera dans l’obligation de déléguer ses pouvoirs. Cela concerne aussi le Premier ministre, qui délèguera alors son dossier à Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères.

Malgré cela, la France a décliné au 26e rang sur l'indice de perception de la corruption publié début décembre 2014 par l'ONG Transparency. C'est son pire rang depuis la création du classement en 1995, elle, qui était classé 22e l’an dernier.

Réserves parlementaires

Comme le prévoyait le projet de loi sur la transparence de la vie publique, la répartition de la réserve parlementaire pour 2013 a été mise en ligne le 29 janvier 2014. Sur le site de l'Assemblée, la somme distribuée à chaque projet ou association financé par chaque député l'an passé est publiée. Le détail de la réserve parlementaire des sénateurs devrait être publié "en avril-mai prochains" selon la présidence de la Haute assemblée.

Cependant, comme le pointait le président de la Commission des Lois de l'Assemblée nationale, Jean-Jacques Urvoas, le 10 septembre 2014, "on peut regretter que, sur la loi d'octobre 2013 qui prévoit la publication de la réserve parlementaire, nos collègues du Sénat n'aient pas jugé bon, à ce jour, de se mettre en conformité avec la loi qu'ils ont votée".

Sur son blog, la journaliste du Monde chargé du suivi du Sénat et de l'Assemblée nationale, Hélène Bekmezian, cite la réponse du Sénat, qui renvoie la balle... au gouvernement.

La liste des subventions accordée dans le cadre de la réserve, écrit-elle, "est établie par le gouvernement et publiée sous sa responsabilité", écrit l'institution qui admet que "à ce jour, la liste des subventions versées sur proposition du Parlement doit être rendue publique par le ministère des finances et des comptes publics".

Finalement, le détail de la réserve parlementaire des sénateurs a été publié samedi 20 septembre 2014, sur le site de Bercy (ici et ici).

Patrimoine et situation fiscale

Les parlementaires ont par ailleurs jusqu'au 1er février pour déposer leurs déclarations de patrimoine, qui devraient être consultables en préfecture dès le printemps.

Le 1er avril 2014, au nouveau décret est publié au Journal officiel (JO). Désormais,

Tout membre du Gouvernement, à compter de sa nomination, fait l'objet d'une procédure de vérification de sa situation fiscale.

De plus ce décret précise que ce contrôle sera effectué par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, et non plus par le ministère du Budget.

En juin 2014, le texte fait ses preuves en épinglant le secrétaire d'Etat Jean-Marie Le Guen. Ce dernier a sous-évalué son patrimoine immobilier. Après concertation avec la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, il a apporté des corrections à ses déclarations, jugées désormais "sincère" par la HATVP.

A la rentrée 2014, c'est au tour du nouveau Secrétaire d'Etat du Commerce extérieur, Thomas Thévenoud, de faire l'expérience de l'efficacité du dispositif. Neuf jours seulement après son entrée au gouvernement, il est remercié et remplacé par le député PS Mathias Fekl.

Thomas Thévenoud, qui avait "négligé" de remplir ses déclarations d'impôt pendant trois ans, a en effet été visé par un contrôle fiscal "dès le lendemain de sa nomination", a expliqué à l'AFP Jean-Louis Nadal, le président de la HATVP. "C'est cette procéure qui a conduit à la démission", précise l'ancien magistrat.

Le 18 septembre 2014, lors de sa conférence de presse semestrielle, François Hollande a indiqué vouloir "tenir compte des propositions de la HAVTP pour renforcer ses moyens". Plus tard, à propos de Thomas Thévenoud qu'il juge "pas digne" de rester à l'Assemblée nationale, François Hollande a indiqué que "lorsqu'un élu est sanctionné pour ne pas avoir fait ce qu'il devait faire au plan fiscal, il y a des procédures judiciaires" :

Ce sont les juges qui décident et il est clair que des peines d'inéligibilité devront être prononcées. Et la garde des Sceaux, s'il n'y avait pas cette possibilité d'aller plus loin dans les textes actuels, veillerait à nous faire des propositions supplémentaires.

Les déclarations de patrimoine des députés et sénateurs, contrôlées et vérifiées, sont consultables depuis le 13 juillet 2015 dans les préfectures de leur département. Les déclarations disponibles sont celles de 735 parlementaires élus avant le 1er septembre 2014, soit 573 députés et 162 sénateurs

Tout citoyen inscrit sur les listes électorales peut prendre rendez-vous auprès des services de la préfecture de son choix afin de prendre connaissance, en présence d’un agent, des déclarations des parlementaires du département. Celles-ci demeureront consultables pendant toute la durée du mandat des personnes concernées. En revanche, la divulgation de tout ou partie de ces déclarations est interdite, y compris par la presse, sous peine d’une amende pouvant aller jusqu’à 45 000 euros. Toute reproduction ou copie sera en effet proscrite, ce qui signifie que l’électeur ne pourra pas, par exemple, prendre des notes, en vertu des textes d’application de la législation sur la transparence de la vie publique. Il pourra cependant saisir la Haute Autorité s’il soupçonne qu’une déclaration est mensongère ou inexacte.

La HATVP a signalé à la justice les cas de six parlementaires, dont les déclarations n’étaient, selon elle, pas exhaustives ou sincères. Il s’agit des députés Les Républicains (LR) Bernard Brochand, Lucien Degauchy, Patrick Balkany, Josette Pons et du député MoDem Thierry Robert, ainsi que du sénateur LR Serge Dassault. La justice a ouvert des enquêtes. Par ailleurs, "moins d’une vingtaine [de déclarations] ont nécessité que la Haute Autorité en explicite le contenu par une observation", a précisé Jean-Louis Nadal.

Extension aux fonctionnaires et membres des juridictions administratives et financières

La loi portant réforme du statut des fonctionnaires, en date d'avril 2016, cherche à lutter contre les conflits d'intérêts en faisant de "tout agent" le gardien des "principes déontologiques".  Le dispositif de la loi d'octobre 2013 est applicable à tous les agents publics, enjoints à faire cesser ou à prevenir tout conflit d'intérêt, et les plus exposés sont soumis aux nouvelles obligations de transparence. 

En outre, le Commission de déontologie de la fonciton publique voit ses pouvoirs étendus en matière de prévention des conflits d'intérêts. 

Pratiques des lobbies encadrées, lanceurs d'alerte protégés

Adoptée le 8 novembre dernier, la loi Sapin introduit de nouvelles mesures afin de renforcer le dispositif anti-corruption.

Un agence anticorruption est créée, charger de veiller sur les entreprises comprenant plus de 500 salariés. La pratique des lobbies se voit quant à elle encadrée par la création d'un registre numérique sur lequel les représentants d'intérêts seront tenus de s'inscrire, afin de mieux réguler leurs relations avec les pouvoirs publics. ce registre doit permettre au citoyen de comprendre "qui est intervenu et à quel niveau (...) pour améliorer, corriger ou modifier une réforme, et quels arguments ont été utilisés» selon François Hollande. Mais Transparency International dresse sur cette disposition un constat mitigé, comme l'ONG l'indique à Libération  : «il ne répond pas à l’objectif de transparence : quel décideur a été rencontré, quand, avec quels arguments, et comment les arbitrages ont été rendus. Ce registre ne permet pas de savoir comment l’influence s’exerce».

 Enfin, une nouveauté : la création d'un statut protecteur pour les lanceurs d'alerte, dont la définition est fixée par le texte. Des lanceurs d'alerte qui, pour être reconnus comme tels, doivent respecter un circuit bien précis, afin de ne pas laisser de potentiels affabulateurs destabiliser les entreprises. Les différents scandales - les Panama Papers, les Luxleaks avaient rendu un tel statut nécessaire. 

Finalement c'est Transparency International qui, bien qu'établissant que des progrès restent à faire, juge le quinquennat de François Hollande positif en matière de lutte contre la corruption. 

 

Calendrier en retard

Le gouvernement a précisé que la loi sera présentée "avant l'été" 2013. Elle a finalement été adoptée à l'automne 2013. D'autres loi sont ensuite venue la compléter. 

Type de promesse : Engagement oral de campagne

Mots-clés : conflits d'intérêtsmoralisationrapport JospinJean-Marc Ayraultloi sur la transparence de la vie publiqueaffaire Cahuzac