Lutter contre les filières djihadistes qui recrutent en France

Promesse partiellement tenue

Promesse partiellement tenue de François Hollande

 

Devant la Commission de lois de l'Assemblée pour présenter son plan de lutte, Bernard Cazeneuve a annoncé, fin avril 2014, que 285 djihadistes français se trouvaient sur le sol syrien. Plus de deux ans après ces premières annonces, environ 700 Français se trouvaient en Syrie, selon le décompte des autorités. Malgré la série de mesures enagées pour lutter contre le terrorisme, le gouvernement n'est pas parvenu à enrayer le phénomène. Voici les principaux volets de lutte contre les filières djihadistes :

  • Rétablissement l'autorisation de sortie du territoire pour les mineurs
  • Interdiction de sortie du territoire pour les personnes majeures. D'une durée de six mois, renouvelable jusqu'à deux ans, cette interdiction induit le retrait immédiat du passeport et de la carte d'identité de la personne concernée  
  • Création d'un numéro vert pour les familles dont l'enfant est "en rupture"
  • Création d'une plateforme de signalement sur internet. Les personnes pourront ensuite être inscrites au Fichier des personnes recherchées (FPR), mais aussi au Système d'information Schengen (SIS), qui centralise les signalements à l'échelle européenne
  • Renforcement de la surveillance du cyberdjihadisme 
  • Suppression de la nationalité française en cas de confrontation à des "cas particuliers", dixit Bernard Cazeneuve

Faciliter les signalements et enrayer la propagande djihadiste 

Première mesure entrée en vigueur, un numéro vert a été activé le 30 avril 2014. Le but est de permettre aux familles de signaler quand un des leurs est en train de "basculer". Bernard Cazeneuve a envoyé une circulaire aux préfets le 16 mai pour former des agents de l'Etat qui seront amenés à "être en contact" avec des familles dont des proches sont partis ou comptent partir en Syrie. 

Pour contrer la propagande djihadiste, le gouvernement a lancé début 2015 la plateforme Stop Djihadisme. Elle propose des outils de contre-propagande à destination de personnes susceptibles d’être radicalisées. "Une goutte d'eau", explique dans son livre Les Revenants (Seuil) le journaliste et spécialiste du djihad David Thomson. Qui poursuit :

"Cette année-là, l'Etat islamique à lui seul revendiquait la diffusion de 800 vidéos, 15 000 photos, 18 magazines en 11 langues et des dizaines de milliers de tweets quotidiens."

Du côté du cyberdjihad, le gouvernement a rendu possible en 2014 le blocage administratif de sites djihadistes, alors que la mesure était jusqu’alors réservée aux sites pédopornographiques. En avril 2016, 60 sites Internet faisaient l’objet d’une telle mesure

Enfin, la réforme pénale adoptée en juin 2016 a également introduit un délit de consultation habituelle de sites terroristes. La consultation de sites djihadistes est désormais passible de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende, avec des garde-fous pour les chercheurs, les enquêteurs ou les journalistes, qui pourront les consulter dans l’intérêt général. Pour la première fois en août 2016, un homme est condamné pour avoir consulté de manière répétée des sites liés à la commission d’actes terroristes.

Durcissement de la législation antiterroriste

Les mesures d'interdiction administrative de sortie du territoire ont, quant à elles, été adoptées après la promulgation de la loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, le 13 novembre 2014.

Cette loi crée également le délit d'entreprise terroriste individuel. Cette nouvelle infraction vise à poursuivre les "loups solitaires", soit des personnes embrigadées de manière indépendante d'une organisation terroriste. Selon les chiffres communiqués par le ministère de l'Intérieur le 18 juillet 2016, cette loi a permis d’ouvrir près de 300 procédures judiciaires à l’encontre de plus de 1200 ressortissants français impliqués dans des filières djihadistes. 

Promulguée le 3 juin 2016, la loi "renforçant la lutte contre le crime organisé (et) le terrorisme" permet désormais à une cour d'assise de condamner les auteurs de crimes terroristes à une peine à perpétuité incompressible, sans possibilité de libération anticipée. Concrètement, les juges pourront prononcer des peines de sûreté de trente ans, au lieu de vingt-deux auparavant. Ce qui signifie qu’aucun aménagement de peine n’est possible avant.

Le gouvernement a également inscrit dans la loi des mesures s'inspirant de l'état d'urgence. Les policiers peuvent désormais retenir pendant quatre heures, sans avocat, sans avocat, une personne contrôlée dans la rue même si elle a ses papiers en règle, à la condition qu’il existe "de sérieuses raisons de penser que son comportement est lié à des activités à caractère terroriste", note Le Monde. Elle donne également la possibilité d’assigner à résidence pendant un mois, une personne qui revient d’un théâtre d’opérations où interviennent des groupes terroristes, même si aucun élément constitutif d’un délit n’existe pour saisir la justice.

Plus de moyens au renseignement

Promulguée le 24 juillet 2015, la loi sur le renseignement donne également des moyens aux autorités pour lutter contre les filières djihaidistes. Les services de renseignement peuvent désormais poser un mouchard dans un ordinateur, permettant de leur donner accès à tout ce qui est tapé sur le clavier ou affiché à l’écran, une balise GPS sur un véhicule ou des micros dans une pièce.

La loi prévoit également la mise en place de "boîte noire", c'est-à-dire un système de collecte massif des données circulant sur l’Internet français afin de détecter des comportements terroristes. Pas encore appliqué, ce dispositif doit entrer en vigueur au printemps 2017, indique Libération. Cette loi a fait l'objet de violente critique de la part d'associations de défense des droits de l’homme et de nombreux organismes publics.

Pour faciliter le suivi des individus radicalisés, le gouvernement a également adopté par décret en mars 2015 le FSPRT (fichier de signalement des personnes radicalisées à caractère terroriste), qui centralise les informations récoltées sur environ 12 000 suspects potentiels.

Enfin, sur l'échelle européenne, le Parlement européen a donné son feu vert, en avril 2016, au projet de directive sur le PNR (littéralement "passager name record"), un fichier européen des données des passagers aériens. Non contraignant pour les Etats membres (qui refuse son caractère obligatoire), ce dispositif était devenu un des chevaux de bataille du gouvernement français après les attentats de janvier 2015.

En prison, une lutte à tâton contre la radicalisation

Lancée en 2014 dans quatre établissements pénitentiaires français, l'expérimentation du regroupement des détenus radicalisés dans des quartiers dédiés a finalement été abandonnée en octobre 2016, après l'agression d'un surveillant d'une unité spécifique en septembre. Censée limiter les risques de prosélytismes en prison et permettre une meilleure surveillance des détenus embrigadés, la mesure n'a pas convaincu. En juillet 2016, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, avait dressé un bilan assez négatif du dispositif, estimant qu'il représentait en l'état "plus d’inconvénients que d’avantages".

Le 30 octobre 2016, le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas a, en revanche, annoncé la création de six "quartiers d’évaluation de la radicalisation" : quatre en Ile-de-France et deux dans les régions de Toulouse et de Marseille. Ces quartiers seront notamment réservés aux "détenus dont la radicalisation est la moins construite". Les détenus radicalisés aux profils les plus dangereux seront, eux, regroupés et isolés dans des quartiers aux plus hautes normes de sécurité. Les programmes de déradicalisation ne leur seront pas destinés, indique Le Monde.

Enfin, le nombre d’agents de renseignement pénitentiaire devait être porté à 185 en 2016, contre 72 au début du quinquennat, affirmait en mai 2015 l'ex-ministre de la Justice Christiane Taubira. Un effort insuffisant aux yeux de la récente commission parlementaire sur les attentats.

Des expulsions de prédicateurs liés à l'islam radical

Le 1er mai 2014, l'ancien ministère de l'Intérieur Bernard Cazeneuve annonce une première expulsion après la présentation de plan de lutte contre les filières djihadistes. Il s'agit d'un Algérien lié à des membres d'une mouvance islamiste radicale et soupçonné de recruter des Français pour mener le djihad en Syrie.

En septembre 2015, la France expulse également un Marocain de 45 ans, Ahmed Sahnouni El-Yaacoubi, dont la nationalité française avait été retirée en 2014, au terme de sept ans de prison pour terrorisme. Malgré l'échec de François Hollande d'inscrire l'extension de la déchéance de nationalité dans la Constitution, la France peut, depuis 1996, déjà déchoir de sa nationalité un citoyen binational condamné pour des actes de terrorisme.

En dehors de ces cas médiatisés, le gouvernement affirmait, en juillet 2016, avoir prononcé 80 mesures d’expulsion à l’encontre de "prêcheurs de haine ou de pseudo-imams autoproclamés"Dix mosquées ou salles de prières radicalisées ont également été fermées depuis le début du quinquennat.

Des centres de "déradicalisation" balbutiants

Le 29 avril 2015, l'ancien Premier ministre Manuel Valls annonce la création d'un centre d'accueil pour les personnes de retrour de djihad. Cette structure est chargée "de prendre en charge sur la base du volontariat, des jeunes de retour de zones de conflit et ne faisant pas, bien sûr, l'objet de poursuites judiciaires".

Manuel Valls annonce, le 9 mai 2016, la création de ce dispositif "dans chaque région" d'ici fin 2017. Le premier centre ouvre à la rentrée 2016 dans la commune de Beaumont-à-Véron. Mi-octobre, seules six personnes faisaient l'objet d'un suivi dans cette structure dotée de 30 places. Des débuts balbutiants alors que les autres centres se font toujours attendre.

Type de promesse : Annonce de mandat

Mots-clés : djihadloi antiterroristesécurité